La séparation, le divorce ou la rupture de PACS, n’entraîne pas automatiquement le partage du logement et l’extinction du prêt immobilier souscrit à deux.
En raison de la solidarité entre les co-emprunteurs souvent exigée par les banques, chacun des membres du couple est redevable à l’égard du banquier-prêteur pour la totalité du solde de l’emprunt immobilier.
Par conséquent, en cas de défaut, la banque peut réclamer le paiement de la totalité du solde de l’emprunt contre les deux membres du couple voire le paiement de la totalité à seul emprunteur. Ce dernier devra alors se débrouiller pour se faire rembourser par l’autre emprunteur.
Trois solutions s’offrent aux couples qui se séparent :
- Ils peuvent décider de conserver le bien immobilier à deux ;
- L’un d’entre eux décide de racheter la soulte (c’est-à-dire, la part) de l’autre ;
- Ils procèdent à la vente de leur ancien logement commun.
Avant d’envisager ces solutions, il convient de faire un bref rappel sur la détermination des parts détenues par chacun des membres du couple dans le bien immobilier acquis en commun.
1. La détermination de la part de propriété détenue par chacun des membres du couple
En principe, au moment de l’achat de la maison ou de l’appartement qui constituera le logement du couple (comme pour tout acte d’acquisition immobilière), le notaire rédacteur de l’acte précise la proportion de participation de chacun au financement.
La répartition du droit de propriété entre chacun des membres du couple sera bien souvent, sauf mention contraire, proportionnelle à la part que chacun a prise dans le financement de cette acquisition.
S’il est prévu que l’un finance 70 % du prix d’achat du logement, alors il en sera propriétaire à 70 %. En cas de vente, il recevra alors 70 % du prix de la vente, les 30 % restant seront perçus par l’autre membre du couple.
Ces précisions dans l’acte notarié sont très importantes. La Cour de cassation considère que le jour où le couple revendra son logement, le prix de la vente sera réparti en fonction des droits de chacun tels que mentionnés par le notaire dans l’acte de vente, peu important la façon dont cette acquisition a finalement été financée (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 13-14.989).
Prenons l’exemple d’un acte de notaire qui indique que le couple a acquis la propriété de leur maison, chacun pour la moitié. Même s’il est établi que l’achat de la maison a été exclusivement financé par Madame, lors la revente le prix sera réparti par moitié entre chacun des membres du couple.
- Y a-t-il un moyen d’obtenir le remboursement des mensualités payées à la place de son ancien partenaire ?
Celui qui a contribué plus que l’autre au titre du remboursement du prêt va pouvoir réclamer la différence à son ancien partenaire. Cependant, prudence, car en pratique les choses peuvent s’avérer compliquées.
En effet, lorsqu’il est saisi d’une telle demande, le juge va notamment rechercher si celui qui a « moins » contribué au remboursement du crédit, n’a pas « plus » contribué pécuniairement ou en nature à d’autres dépenses (matérielles ou en temps passé pour le couple), de sorte qu’il y aurait lieu à compensation.
Cette recherche a conduit un juge à rejeter la demande de remboursement d’une somme de 180 188, 74 euros, formulée par un Monsieur au titre de sa prise en charge des mensualités de l’emprunt immobilier entre 1990 et 2006.
Pour ce faire, les juges ont tout d’abord relevé que « l’emprunt immobilier avait été contracté par les deux concubins, que l’immeuble constituait le logement du couple et de leur enfant commun, qu’au cours de la vie commune ».
Ils ont ensuite noté que, si cette personne avait remboursé les échéances de cet emprunt, outre d’autres charges, ses revenus déclarés étaient insuffisants pour faire face à l’ensemble de ces dépenses.
Après avoir souligné que son ancienne compagne disposait d’un salaire et qu’elle payait des frais de nourriture et d’habillement, ils en ont déduit qu’il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, justifiant que ce Monsieur conserve définitivement la charge des échéances du crédit immobilier (Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 2016, 14-29.746)
ut va être une question de preuve, de proportion dans les prises en charge des différentes dépenses du couple, de l'intention libérale (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-13.701, Publié au bulletin) et du cas particulier de chacun.
Dans certains cas très particuliers, la notion d’enrichissement sans cause pourra également être invoquée (notamment s’agissant de l’emploi des sommes contenues sur le compte-joint), si les conditions sont remplies.
Cela suppose de démontrer, d’une part, qu’une personne, en s’appauvrissant, en enrichisse une autre ; d’autre part, que ce mouvement de valeur entre les patrimoines soit dépourvu de cause.
Ainsi il a pu être jugé « par une appréciation souveraine, que les travaux litigieux réalisés et les frais exceptionnels engagés par M. Y… dans l’immeuble appartenant à Mme EX… excédaient, par leur ampleur, sa participation normale à ces dépenses et ne pouvaient être considérés comme une contrepartie des avantages dont M. Y… avait profité pendant la période du concubinage, de sorte qu’il n’avait pas, sur ce point, agi dans une intention libérale ; que la cour d’appel a pu en déduire que l’enrichissement de Mme EX… et l’appauvrissement corrélatif de M. Y… étaient dépourvus de cause » (Cass. 1re civ., 24 sept. 2008, nº 06-11.294).
Dans un arrêt récent rendu au visa de l'article 1303 du Code civil, la Cour de cassation a également rappelé « l’indemnité due au titre de l’enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 3 mars 2021, 19-19.000, Publié au bulletin)
2. Les trois solutions qui s’offrent aux couples qui se séparent
2.1. La conservation du bien immobilier à deux
Cette solution est à mon sens à éviter autant que possible, car les anciens partenaires sont tenus par les règles de l’indivision et risquent d’être rapidement confrontés à une situation de blocage qu’il sera difficile de palier.
Le principe de ce régime repose sur le fait que toutes les décisions importantes doivent être prises à l’unanimité.
Un désaccord peut malheureusement arriver très vite, qui plus est dans un contexte de séparation. Cette divergence aura pour effet de totalement paralyser le système et empêcher toute prise de décision. Un tel blocage pourrait par exemple survenir si le logement est mis en location, s'il est nécessaire pour les co-bailleurs de donner congé au locataire ou de mettre en place une procédure d'expulsion des squatteurs et occupants sans droit ni titre.
Dans bien des cas, seul un juge pourra remédier à la situation en imposant d’office la solution qui lui paraît la plus opportune et la plus équitable.
C’est sans aucun doute la réponse pour laquelle le premier article qui régit l’indivision énonce qu'il est toujours possible d'en sortir « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention » (Article 815 du Code civil).
C’est pourquoi, je conseille plutôt de procéder à un rachat de la soulte, si cela est possible, sinon à la vente du bien indivis.
Quoi qu’il en soit, il y a lieu de préciser que si l’un des indivisaires occupe seul le bien indivis (en l’espèce l’ancien domicile familial), l’autre pourra réclamer une indemnité d’occupation.
Sur ce point, il est nécessaire de souligner que le règlement de la taxe d'habitation doit être supporté par l'ensemble des coïndivisaires et non pas le seul indivisaire occupant le logement. La Cour de cassation motive cette décision en précisant qu'il s'agit d'une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis (Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 février 2021, n°19-19.271 et 19-20.957). Elle rappelle ainsi une position établie depuis 2018 (Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 décembre 2018, 17-31.189, Publié au bulletin).
2.2. Le rachat par l’un de la soulte de l’autre
Il s’agit souvent d’une solution répondant à des raisons pratiques ou affectives. Sa mise en œuvre ne pourra être possible qu’à condition que celui qui souhaite conserver la maison ou l’appartement en indivision, dispose des moyens financiers nécessaires pour racheter la part détenue par l'autre indivisaire.
Pour apprécier sa faculté de rachat , il faut donc déterminer par la capacité d’emprunt de celui qui souhaite acquérir la part de l’autre.
Attention, le montant de la soulte n'est pas le seul paramètre à prendre en compte. D’autres frais sont à prévoir (frais de notaire, éventuels frais de remboursement anticipé, frais d’assurance, impôts, taxes, etc.).
En cas de rachat de votre part, il ne faut pas oublier de demander la désolidarisation de l’emprunt commun et d’être relevé de tous vos engagements. A défaut, votre banquier pourra toujours vous réclamer le remboursement de la totalité de l’emprunt et même saisir vos biens. Soyez donc vigilant et n’hésitez pas à en parler avec votre Conseil habituel, avocat à RENNES (ou ailleurs).
2.3. La vente du bien immobilier
La vente de l’ancien domicile familial vous permettra de sortir de l’indivision, de rembourser tout ou partie du crédit immobilier qui a permis de financer son acquisition et de vous libérer des engagements et garanties que vous avez été contraint de souscrire par la même occasion.
Cela étant, il convient de ne pas oublier que le couple est soumis au régime de l’indivision de sorte que la vente de la maison ou de l’appartement ne peut se faire qu’avec l’accord des deux partenaires.
Si les deux sont d’accord, alors la situation pourra être rapidement réglée, sous réserve de trouver un acheteur.
Si l’un des deux ne souhaite pas vendre et/ou qu’il refuse de se manifester, alors il sera nécessaire de saisir un juge pour pouvoir procéder à la vente et ainsi liquider l’indivision.
Dans certains cas, le juge pourra aller jusqu'à autoriser l’indivisaire proactif à vendre seul la maison, quand bien même elle serait encore occupée par l’autre indivisaire ! (L’opportunité de formuler une telle demande et ses chances de succès sont à apprécier au cas par cas, avec votre avocat).
La vente pourra le cas échéant se faire aux enchères publiques.
Attention, plus la vente se fera dans l’urgence, plus il est probable que le prix de vente ne permette pas d’apurer totalement le crédit immobilier qui a permis de financer l’acquisition immobilière.
Dans ce cas, le solde du crédit reste dû et la solidarité entre les emprunteurs aussi. Il faudra donc se mettre d’accord sur les modalités de prises en charge des dernières mensualités du prêt, afin d'éviter une action en recouvrement du banquier.
Je conseille vivement à toute personne se trouvant en situation d’indivision d’être très vigilant et prudent, car il ne s’agit pas d’un régime juridique anodin.
N’hésitez pas à prendre rendez-vous auprès d'un avocat à RENNES (ou ailleurs) pour connaître précisément la situation juridique dans laquelle vous vous trouvez, ainsi que ses éventuels risques auxquels vous vous exposez. Vous bénéficierez ainsi d'un accompagnement de qualité et vous pourrez apprécier avec lui l’opportunité des éventuelles actions à envisager pour encadrer l’indivision ou provoquer sa liquidation.