Fin de bail pour violence du locataire, un motif réel et sérieux

Le bailleur ne peut pas rompre le bail d'habitation quand il le souhaite. Il doit en outre faire valoir un motif réel et sérieux.

 

Si les cas de rupture du bail à l'initiative du propriétaire bailleur sont très restrictifs et limités, celui-ci conserve la possibilité de rompre le bail d’habitation notamment en cas de non-respect des obligations contractuelles par son locataire.

Il pourrait s'agir par exemple de créances impayées (loyers et charges locatives), de troubles de voisinage ou en cas d'un manquement à l'usage paisible.

Un arrêt récemment rendu par la Cour de cassation donne un exemple intéressant du manquement du locataire à son obligation d’user paisiblement du logement donné à bail (Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 décembre 2020, 18-24.823, Publié au bulletin).

En l’espèce, les faits sont assez simples. Un bailleur social a consenti un bail d’habitation. Le fils mineur du locataire, qui vivait à son domicile, a exercé des violences à l’égard des agents du bailleur. Ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale contre le fils et le locataire a été relogé avec son fils dans un autre appartement et une autre ville. Quelques années plus tard, le fils – devenu majeur - a commis de nouvelles violences pénalement sanctionnées à l’encontre des employés du bailleur, étant précisé que les  violences ont été commise dans la ville où les premières violences avaient été commises.

Arguant de ces nouvelles violences, le bailleur a assigné son locataire à en résiliation du bail d'habitation pour manquement à l’usage paisible des lieux. Il se fondait ainsi que les dispositions de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Pour s’opposer à la résiliation du bail pour ce motif, le locataire invoquait que la résiliation d’un contrat ne pouvait alors lieu qu’en cas d’inexécution totale ou partielle d’une des obligations que ce contrat stipule ; que la résiliation d’un bail d’habitation pour manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux loués ne peut ainsi être prononcée que si est établie l’existence d’un lien entre les troubles constatés et un manquement à l’obligation, pour le preneur, d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires.

La question qu’il se posait était donc de savoir si les actes de violences commis par son fils majeur en dehors du logement pris à bail pouvaient être opposés par le bailleur au locataire au titre d’un manquement à son obligation d’usage paisible du bien loué et, ainsi obtenir l’anéantissement du bail au tort du locataire.

En l’état actuel du droit des contrats et de la responsabilité civile, il était clair que le locataire doit répondre à l’égard du bailleur des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute (article 1732 du Code civil). Il est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires (article 1735 du Code civil), et d’une manière générale de toutes les personnes qu’il a introduites dans les lieux, qu’ils soient majeurs ou non (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 novembre 2009, 09-11.027, Publié au bulletin).

Mais qu’en est-il des violences commises en dehors du logement pris à bail, par une personne vivant sous le même toit que le locataire, contre le bailleur ou ses agents ?

La Cour de cassation répond par l’affirmative en considérant que les violences commises par le fils du locataire à l’encontre des employés du bailleur et réitérées après une première condamnation pénale constituaient des manquements à l’obligation d’usage paisible des lieux incombant au preneur et aux personnes vivant sous son toit et que le lieu de commission des violences importait peu dès lors que les victimes étaient des agents du bailleur.

Ce faisant, les juges du droit confirment la décision rendue par la Cour d'Appel en ce qu’elle a souverainement déduit que la gravité des troubles ainsi constatés justifiait la résiliation du bail.

Tout le raisonnement de la Cour de cassation s’appuie sur le lien commun qui existe entre le locataire, le bailleur et l’auteur des violences : l’objet du bail, à savoir l’appartement loué.

Cette position n’est pas nouvelle puisqu’en matière de violences, la Cour de cassation rappelle depuis plus de dix ans qu’une demande en résiliation d’un bail d’habitation pour manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux loués ne peut prospérer s’il n’est pas démontré que l’auteur des troubles allégués était hébergé chez les preneurs (Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 novembre 2009, 09-11.027).

En revanche, l’indifférence du lieu de commission des faits est un élément nouveau.

En effet, jusqu’à présent, la tendance jurisprudentielle était plutôt à dire que « La résiliation d’un bail d’habitation pour manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux loués ne peut être prononcée que si est établie l’existence d’un lien entre les troubles constatés et un manquement à l’obligation pour le preneur d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires » et qu’un tel lien n’est pas rapporté s’agissant de faits « commis dans le hall d’un immeuble appartenant au même ensemble immobilier que celui où se situent les lieux loués, mais distant de plus d’un kilomètre de celui-ci » (Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 octobre 2009, n° 08-16.955).

Dans notre cas d’espèce, il faut donc retenir que la Cour de cassation fait une interprétation extensive de l’obligation incombant au locataire d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires ; que le preneur à bail engage désormais sa responsabilité au titre de tous les actes fautifs commis par les personnes qu’il héberge contre le bailleur ou ses représentants et ce, quel que soit le lieu.

La leçon est sévère car un bail d’habitation est en jeu !

 

Nota : Les facultés de résiliation du bail à l’initiative du bailleur étant interprétées interprétée très strictement et souvent en faveur du locataire, c’est pourquoi je conseille souvent de prendre rapidement rendez-vous en ligne ou par téléphone avec un avocat à RENNES (ou ailleurs), afin de bénéficier d'un accompagnement de qualité et de constituer avec lui et très en amont la demande de résiliation du bail d’habitation.